Le ciel était devenu terne depuis et ruisselait de l’autre coté des carreaux. La saison du Déluge venait tout juste de commencer. Tandis qu’en ce jour si particulier, la jeune héritière allait enfin embrasser la destinée qu’elle s’était choisie il y avait bien des années maintenant. Envers et contre sa famille aux traditions si bien ancrées qui avait bien tenté de l’en dissuader mais en vain. Ils durent donc se rendre à l’évidence malgré eux qu’elle ne deviendrait jamais la compagne et la mère qu’ils attendaient tous d’elle.
Ayashen serait Ailisse ou ne serait pas…
Ainsi en avait-elle décidé et ainsi donc il serait…
Comme ses frères, son père et tous les hommes de la famille depuis d’innombrables générations. Mais pas une seule femme ! Ô grand jamais ! S’était indignée sa pauvre mère en apprenant la nouvelle. Elle l’avait soutenue pourtant, comme à son habitude. Tandis que les autres n’y virent pas là grand sujet d’inquiétude, persuadés tous autant qu’ils étaient qu’elle finirait par renoncer et ce dédain pour ses propres choix ne parvint finalement qu’à l’encourager dans son entreprise.
Mais pour le moment, le temps s’écoulait doucement, tout aussi inexorable que sa volonté. Tandis qu’elle était sensée rejoindre Hysgard au plus vite, Aya ne parvenait pas à détacher ses yeux du miroir de ses pensées.
Était-il seulement encore en vie à l’heure actuelle ?
Elle espérait que non…
Peu importait l’endroit où Hyriel avait bien pu trouver refuge, rien n’était moins sûr. Son absence devenait peu à peu plus intolérable qu’elle n’aurait pu l’imaginer et pourtant elle ne pouvait que le haïr pour ce qu’il était devenu. Un meurtrier, un monstre assoiffé de sang, une abomination génétique qu’elle se devait de « soigner » en tant qu’Ailisse en devenir. Il n’était plus l’homme qu’elle avait connu et jamais plus il ne serait ce charmant petit garçon a qui elle avait volé son tout premier baiser ce fameux jour de Chaleur comme il en existait tellement sur Filgaïa. Tellement lointain que le bon sens lui-même voudrait qu’elle ne s’en souvienne même pas.
Si seulement…
Seule, comme à son habitude, tournant en rond comme un animal sauvage que l’on aurait enfermé dans une cage pourtant plus que dorée. Fouinant ici et là en quête de distraction et gentiment éconduite par la plupart des adultes cohabitant avec elle dans l’immense propriété de ses ancêtres. Ce fut ainsi que tout avait commencé. Ce fut ainsi qu’elle avait croisé la tignasse blafarde de celui qui allait devenir son meilleur ami dès cet instant et pour tous les autres à venir. Alors qu’elle n’aurait du lui accorder que le mépris qu'on lui avait inculqué envers le personnel et le « petit peuple » en général. Mais Aya elle, ne voyait en lui que l'enfant qu'il était tout autant qu'elle et c'est tout ce qui lui importait.
-T’as pas envie d’aller te baigner ? Lui avait-elle demandé aussitôt.
-Mais il y a pas d’eau dans le coin !
Qu’à cela ne tienne ! Il suffisait d’aller la chercher là où elle se trouvait. A savoir, dans l’océan, à quelques ruelles à peine d‘ici, mais sensiblement trop éloigné pour deux enfants laissés sans surveillance. Cependant la petite fille débordante d’énergie qu‘elle était, n’eut guère de mal à traîner par la main son nouveau copain râleur jusqu’à la plage où ils se baignèrent des heures durant, rirent beaucoup, discutèrent tout autant mais surtout oublièrent le temps qui passait comme s’il avait cessé d’exister. Ce ne fut que lorsque le soleil amorça son déclin à l’horizon que tous deux prirent seulement conscience de ce que leur escapade improvisée allait leur coûter à l‘un comme à l‘autre.
Mais sitôt le courroux et l’inquiétude parental retombé à un niveau acceptable, Ayashen retrouva bien vite sa vie d’enfant choyée et gâtée, dans l’univers qui l’avait vu naître, comme si rien ne s’était réellement passé. Ce qu’elle aurait aisément pu croire tant cette journée avait été plus irréelle que n'importe quelle autre de sa courte existence. Si seulement il n’y avait pas eu cet amer retour à la réalité incarné par la punition qu'Hyriel, bien moins chanceux qu'elle, s'était vu infliger. Le maître de maison l’avait odieusement châtié pour avoir osé arracher de force sa jeune fille adorée au cocon protecteur dans lequel il avait pris tellement de temps et de soins à l’enfermer. Aya dû implorer de toute son âme d’enfant le patriarche afin que l’emploi du père d’Hyriel soit épargné et ainsi garder auprès d'elle celui qui comptait déjà si cher à ses yeux. Même si ce dernier lui en voulait désormais terriblement.
Cette nuit là, elle avait attendu que toute la maison respire bruyamment le sommeil pour se glisser silencieusement jusqu’à sa chambre et le supplier de lui pardonner ce pourtant si doux écart de conduite. Puis comme il ne voulait rien entendre, elle s’était approchée, en désespoir de cause, et avait collé ses lèvres contre les siennes sans le moindre détour pour se voir repoussée presque instantanément sans ménagement.
-Hey ! Mais qu'est-ce tu fais !?
Prise en faute, le regard fuyant vers le sol de la chambre, elle ne répondit pas immédiatement, préférant jouer nerveusement avec ses mains. Ce ne fut qu'au terme d'une poignée de secondes considérablement trop longues qu'elle se décida enfin à faire entendre le son de sa voix, étrangement douce et fluette.
-Je voulais juste te demander pardon… C'est comme ça que font les grandes personnes, non ?
…
-Bon Ok… Mais ne refais plus jamais ça !!
Bien trop satisfaite pour ne serait-ce que songer à discuter, elle avait promis sans se faire prier d'avantage. Puis s’était finalement assoupie à ses cotés.Elle aimerait tellement le voir franchir cette porte comme si rien n’avait changé. Elle aimerait tellement ne pas avoir à le traquer comme un animal désormais. Mais elle n’était malheureusement plus en mesure de pouvoir décider. Dans quelques heures, elle serait Ailisse et ferait de son ex-meilleur ami d’Aimantaliste son pire ennemi…
Cela ne pouvait malheureusement plus en être autrement.
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Elle avait fini par partir ce jour là. Le cœur battant à tout rompre certes, mais la détermination remontée à bloc. Puis dans les jours suivants elle avait intégré haut la main le régiment des Sîns Alpha sous l’œil condescendant de son père l’exhortant à redoubler de zèle à la tache qui allait s’avérer plus ardue que ce qu’elle avait cru jusqu’à lors. Ses cibles étaient femmes, parfois même enfants mais jamais sa main sur-armée ne tremblait face à se qu‘elle estimait malgré tout n‘être que son devoir. Mais le destin pouvait parfois se faire plus cruel et sournois que jamais.
Ayashen allait bientôt en faire les frais à ses dépends.
La pluie chaude et salvatrice, n’avait pas cessé de tomber depuis des semaines mais cela ne dérangeait nullement la jeune militaire qui distribuait d’une main de maître ses ordres à ses acolytes. La mission consistait à investir en un temps record un vieil immeuble délabré comme il en existait des légions dans les bas quartiers de Cylardem. Un mystérieux informateur, resté dans l’anonymat, avait affirmé qu’un marginal vivait là de façon pour le moins douteuse et depuis peu de temps de surcroît. Neuf fois sur dix, ce genre de délation ne menait qu’à une perte de temps pure et simple. Mais Aya n’avait pas pour autant l’habitude de mener ses missions à la légère. C’est pourquoi ce fut elle qui avait ordonné à une bande de tire-au-flanc, uniquement préoccupés par l’heure à laquelle ils allaient rentrer chez eux, de prendre tout le temps qu’il était nécessaire pour fouiller chaque centimètre carré des lieux par équipe de deux personnes.
Fusil au poing, son coéquipier sur les talons, c'est ainsi qu'elle investit silencieusement les quelques étages de l'immeuble. Chaque porte, appartement, personne qu'elle croisait ne faisait que confirmer l'inutilité de cette opération. Mais Aya, bien loin de se décourager continuait son ascension jusqu'à atteindre le dernier seuil du dernier étage. Elle était à mille lieux de se douter, en enfonçant brutalement le battant de bois, de ce qu'elle allait découvrir de l'autre coté.
-Aya c'est toi ?! Ça faisait longtemps...Pour seule réponse elle entra dans la pièce d'un pas décidé et sans paraître hésiter une seule seconde, appuya le canon de son arme sur la lilial chevelure d'Hyriel. Son regard transperçait le siens de toute sa froideur, tandis qu'elle mettait en œuvre toute la concentration dont elle disposait pour faire taire les foutus tremblements de ses mains. Son collègue la suivit sans trop se poser de question, du moins jusqu'à ce qu'il reconnaisse à son tour l'Aimantaliste notoire et le mette en joug à son tour mais à bonne distance cependant.
-Allez, qu'on en finisse, ça sera fait comme ça...-Ferme là !Son esprit tournait à cent à l'heure, s'agitait dans tous les sens sauf le bon, celui de la raison. Le temps s'écoulait inexorablement et sans doute son complice commençait-il de le trouver trop long à son goût car il cru bon d'intervenir pour débloquer la situation.
-Si tu veux, je peux...Mais sa phrase resta inachevée tandis qu'un violent coup de cross venait de s'abattre sur son crane dans un bruit sinistrement caverneux. Elle resta figée ainsi, l'arme levée à mis hauteur comme en suspens dans l'espace, juste le temps de réaliser toute la portée de son geste. Puis sans même accorder un regard à celui pour lequel elle s'était faite criminelle, elle fendit l'air du tranchant de sa voix.
-Dégage de là, avant que je ne change d'avis.~~~~~~~~~~
Retranchée dans un coin obscure de sa cellule, Ayashen s'était murée dans un mutisme sans faille. Après tout, pourquoi s'épuiser à justifier des actes qu'elle même ne s'expliquait toujours pas. L'homme qu'elle avait assommé s'était finalement réveillé avec un tonnerre de tout les diables entre les deux oreilles et eut tôt fait de la faire mettre aux arrêts. Elle n'avait pas cherché à résister, encore trop abasourdie par ses propres exactions pour avoir même le loisir d'y penser. Elle avait assisté comme dans un état second à son procès aussitôt passé en priorité absolue et exécuté à la hâte sans grande surprise concernant la sentence. Depuis elle était restée assise là. Le rouge de ses cheveux se collant à l'humidité de la pierre à laquelle elle s'était adossée, son dernier repas encore intact à quelques mètres d'elle. Mais à quoi bon ? Car demain était le jour où on allait la mettre à mort en place publique pour trahison envers la grande Déesse. Celle-là même pour qui, il n'y avait pas si longtemps encore, elle aurait sacrifié sa dernière étincelle de vie si on le lui avait demandé. Mais aujourd'hui elle n'était plus qu'infidèle et parjure.
Juste pour le sauver, lui.
Ce fut sur ces sombres pensées, arrivée au bout de ses limites physiques et mentales, qu'elle ferma les yeux et s'enfonça dans un sommeil étrange et sans repos. La clarté aveuglante qui la submergea soudain l'obligea à frictionner vigoureusement ses paupières. Elle avait plus ou moins conscience qu'il n'y avait que son esprit qui avait troqué la froide humidité de son cachot pour le songe éthéré qui la mettait étrangement mal à l'aise, ou plutôt elle s'en fichait. Un pas puis un autre la rapprocha un peu plus de la seule forme disparate dans l'immaculé des lieux. Une silhouette sans nom, sans visage qui lui tendait ce qui avait tout l'air d'être une main. Ayashen se cru obligée de s'en saisir mais regretta son geste sitôt le décor se muant autour d'elle lui fit perdre l'équilibre. Elle s'écroula à genou sur le sable de cette fameuse plage qu'elle avait arpenté autrefois avec le tout jeune Hyriel. Les deux enfants se tenaient d'ailleurs un peu plus loin, exactement comme à cette époque, totalement inconscients de la présence qui les observait d'outre temps. Elle les vit s'engouffrer jusqu'aux hanches dans l'océan et elle en aurait souri si il n'y avait eu cette voix qui résonna subitement dans sa tête comme si elle avait toujours été là quelque part, n'attendant que le moment propice pour se faire entendre.
Est-ce lui ?... Est-ce pour lui que tu m'as trahi ?...
Quelque chose n'allait pas dans ce souvenir. Quelque chose de différent, de dérangeant même, qui contrastait avec son caractère joyeux. Un incompréhensible malaise s'empara d'elle tandis que le vent se levait peu à peu, emportant avec lui des volutes de sable sans qu'elle n'en ressente pour autant la moindre gêne visuelle. Toujours plus intense, plus puissant, il ne semblait pas vraiment prompte à vouloir se calmer et bientôt les deux enfants durent composer avec une mer déchainée. Le jeune Hyriel se saisit solidement de la main suppliante qu'Aya lui tendait alors que l'adulte elle, contrainte par une puissance qu'elle était bien loin de pouvoir combattre, restait figée dans le marbre de son corps. Puis comme au ralenti, elle vit le petit garçon abandonner son amie aux gouffre létal de l'océan et si seulement elle avait cru cela possible elle aurait juré que ce fut de son plein gré.
Contemple l'engeance de tes actes et supplie la mort de venir t'étreindre car elle sera désormais la seule à pouvoir te délivrer du sort que je te réserve...
Tout redevint subitement très calme, tout aussi rapidement que la tempête avait balayé la frêle petite fille. Sans plus de cérémonie, Hyriel s'en détourna et se mit calmement en marche pour disparaître au détour d'une dune de sable fin. Des larmes de sang ruisselait désormais des yeux de la spectatrice forcée et venaient une à une heurter le sol dans un bruit sourd jusqu'à recouvrir de nouveau la scène d'un voile monochrome, rouge intense cette fois.
Et maintenant va ! Sème comme lui la destruction sur ton passage, détruis de tes mains tout ce qui t'est le plus cher et veille à ne pas me décevoir cette fois...
Une main, bien réelle cette fois, agrippa son bras sans le moindre ménagement pour la tirer brutalement de son cauchemar et du sol par la même occasion.
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La foule s'était rassemblée nombreuse sur l'Agora pour l'occasion. Une nuée de charognards venu se repaitre du spectacle de l'exécution. Sa mère, son père et le reste de sa famille se tenaient impassibles en bonne place au premier rang. La jeune femme ne leur accorda pas l'ombre d'une attention, tout comme aucun d'entre eux n'avait daigné lever le petit doigt pour intervenir en sa faveur. Le bourreau s'approcha d'un pas lent de sa future victime poings liés pour accomplir comme un automate pré-programmé les formalités d'usage.
-Veuillez formulez vos dernières volontés !Elle l'observa un instant, lui témoignant tout le mépris que cette déclaration lui inspirait avant de lui rétorquer hargneusement :
-Va te faire foutre !!L'homme sourit, goguenard et tout en lui masquant le visage de la cagoule réglementaire, il ajouta simplement :
-Dans ce cas, que la Déesse ait pitié de ton âme...Mais la déesse elle-même ignorait ce sentiment. Elle n'était que douleur et supplice. Aile n'existait que pour semer les graines du chaos. Ayashen n'en avait pas encore pleinement conscience. Si bien que lorsque les cris de terreur s'élevèrent de l'assistance, grandissant de concert avec sa colère et sa propre peur de la mort, elle crut de prime abord n'avoir en réalité jamais quitté le spectre de la nuit passée. C'eût été mille fois plus enviable que la tragédie qui semblait se jouer derrière l'opacité du tissu. La froideur d'une lame vint se glisser entre ses poignées pour trancher minutieusement le lien qui les emprisonnait et son premier réflexe fut d'ôter à la hâte le masque de ses yeux.
Ce qu'elle découvrit alors la glaça d'effroi. La pluie si douce et si calme d'ordinaire assourdissait la jeune femme de son vacarme incessant tant elle se déversait à présent en un millions de projectiles meurtriers dont l'incommensurable puissance n'épargnait rien et personne sur leur passage. Sauf elle, qui se tenait debout face à sa propre malédiction sans même en avoir conscience. Une force mystérieuse repoussant inlassablement loin d'elle toutes attaques cristallines. Mais ce pouvoir-ci n'émanait pas d'elle.
Une étreinte amicale vint enfin la tirer de sa macabre contemplation. Elle nicha instinctivement son visage ruisselant de larmes au creux de son cou et peu à peu la pluie retrouva sa normalité avant de devenir phénomène jusque là inconnu.
Blanche comme neige.
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Les jours suivants devinrent très vite semaines, puis mois et années durant lesquels Hyriel et elle ne s'était pas quittés. Mais là où le premier mettait tout en œuvre pour assurer leur tranquillité, Ayashen ne rêvait que de vengeance et de liberté et c'était justement là que le bât allait blesser. Il était certes parvenu à canaliser tant bien que mal ses ambitions démesurées jusqu'à lors mais ce soir là, lasse de se heurter aux objections de son ami, la jeune femme avait claqué furieusement la porte de la misérable chambre d'hôtel qu'ils partageaient depuis quelques jours à peine.
Non sans être allègrement rincé le goulot auparavant dans le bar du coin, la jeune femme se mit en quête au travers des ruelles sombres et sordides de la cité. De quoi au juste ? Et bien tout ce qui serait susceptible de calmer sa folie furieuse passagère, tout simplement. Mais ce qu'elle trouva alors allait être au delà de toutes ses espérances.
Un Ailisse en patrouille, une jeune recrue visiblement particulièrement soucieux de bien faire. Après lui avoir fait mettre les mains au mur sans rencontrer de résistance, le malheureux se cru en droit de s'attarder physiquement parlant un peu plus que de raison sur la sulfureuse anatomie de l'Aimantaliste. Bien que ce dernier détail ne lui ait même pas effleuré l'esprit, grand mal lui en pris. Aya fit brutalement volte face, l'expression de son visage figée dans la noirceur de ses pensées, le rouge de ses yeux transperçant l'imprudent de leur intensité. Il n'eut guère le temps de reculer que déjà il s'écroulait sur le trottoir pour se tordre de douleur. Une souffrance innommable qui abreuvait la fureur destructrice de son bourreau. Elle pouvait les sentir, ces litres d'hémoglobine qui n'obéissaient plus qu'à sa maitrise. Ils étaient entrés en ébullition à l'instant même où elle l'avait seulement souhaité. Mais avec une ardeur telle, qu'à présent ils dévoraient littéralement leur propriétaire de l'intérieur. Seulement la demoiselle n'avait pas pour autant vocation de meurtrière, pas pour de si futiles raisons en tout cas. Mais lorsque enfin elle voulu mettre un terme au massacre qu'elle avait perpétré, il était déjà trop tard, le pauvre homme avait succombé. A défaut d'en éprouver la moindre culpabilité, cela avait au moins eu le mérite de la faire redescendre sur la terre ferme.
-Plus un geste ! Veuillez décliner votre identité !Sans doute interpellés par les hurlements de sa victime, deux autres L braquaient sur la coupable les faisceaux aveuglants de leurs torches électriques. Sans attendre son reste, elle n'eut d'autre choix que de déguerpir le plus vite qu'elle en était capable. Car elle ne savait que trop bien que cette fois elle n'aurait pas la chance de s'en sortir indemne. Elle tenta donc de s'échapper avec la force du condamné au travers des contre allées tortueuses de Cylardem. Mais c'était sans compter sur le chasseur, rapide lui aussi et surtout plus que déterminé à traquer sa proie jusqu'en enfer s'il le fallait. Si bien que sans tarder le gibier se retrouva dos au mur, au sens propre du terme, puisque dans sa course poursuite effrénée elle avait fini par s'engouffrer malgré elle dans une impasse et bien loin de se décourager pour autant elle se tenait déjà prête à affronter son destin de quelle que manière que ce soit.
C'est en croyant sa dernière heure arrivée qu'elle se vit empoignée par les épaules et entrainée de force par une aide providentielle à l'abri des regards, derrière un amoncellement de détritus. Hyriel, car il ne pouvait s'agir que de lui, lui intima immédiatement le silence d'un geste de la main. Ce qu'elle aurait fait sans cela de toute façon, au vu des circonstances. Le Sîn s'arrêta un instant, balaya la ruelle de sa lumière et reprit finalement sa poursuite ailleurs. Sitôt le danger à bonne distance, la fautive brisa le silence qui promettait de devenir trop pesant, si elle n'en faisait rien.
-Il faut partir Hyriel ! Pas seulement du quartier, je veux dire... J'ai tué un homme... un Ailisse... Toute la ville sera demain à mes trousses et aux tiennes aussi, du coup... ~~~~~~~~~~
Elle ne sut jamais réellement s'il avait accepté de la soutenir dans son entreprise par obligation ou autre. Quoi qu'il en soit, Firone avait pris naissance de leur labeur commun. Très vite la rumeur avait fait son œuvre et chaque jour les réfugiés affluaient toujours plus nombreux. Certains n'y voyaient là qu'un banal havre de paix, d'autre le berceau de la résistance.
Mais Ayashen n'allait pas en rester là.
De cela au moins, tous pouvaient en être certains.